Book Club des Cotonettes 4: Tatou de Paula Anacaona

Je ne suis pas familière de la littérature latino-américaine tant les seuls souvenirs que j’ai de cette littérature sont des extraits étudiés aux cours d’espagnol au collège-lycée.
La difficulté supplémentaire dans la recherche de livres pour le thème littérature afro-latino-américaine est justement de trouver des auteurs afro-descendants dans un contexte de fort brassage ethnique en Amérique Latine: comment savoir si tel ou tel auteur est afro-descendant quand sa couleur de peau n’aide pas plus que ça ? Ce sera fatalement la problématique dans les différents genres littéraires tout au long de ce cycle de lecture.

Book Club des Cotonettes 4: Tatou de Paula Anacaona

Book Club des Cotonettes : Tatou de Paula Anacaona

Pour la catégorie Auteur(e) afro-latino-américain(e) de Roman Aventures/Biographie, votre choix s’est porté sur Tatou de Paula Anacaona.

Victoria est franco-brésilienne, métisse noire, et présidente d’une multinationale. Femme brillante ayant brisé tous les plafonds de verre, elle s’est hissée au sommet par les études, le travail, et une faim dévorante. En guerre contre le monde entier et surtout contre elle-même, elle a l’exigence d’être première en tout – il lui faut être plus, avoir plus, toujours plus… Aujourd’hui, elle suffoque. Sa carapace est trop lourde. Prisonnière de sa vie de socialite et incapable d’en trouver la sortie, Victoria se met en tête d’écrire un roman, et s’imagine déjà en nouvelle Toni Morrison. C’est un échec – son premier -, qui la remet totalement en cause. Questionnant de nombreux aspects de sa vie, notamment l’ambition et la réussite matérielle à tout prix, elle en vient à sa blessure intime, cette épine dans son coeur : l’abandon de son père, sa moitié noire.

Book Club des Cotonettes : Tatou de Paula Anacaona – La revue

Alors, par où commencer sans spoiler ? Il y a tant de choses à dire. La première est que Victoria est l’anti-héroïne. En lisant la quatrième de couverture du livre, je me disais: « chouette! une femme noire role model« . Et en commençant la lecture, j’ai tout de suite eu envie de la gifler à chaque page. Pour ma plus grande frustration, ce sentiment ne m’a pas quittée pendant tout le livre.

Pour moi, Victoria c’est la femme qui a réussi sa vie dans le domaine matériel/financier et qui s’est oubliée:

  • elle a oublié d’où elle vient ou du moins fait tout pour l’enterrer,
  • elle a oublié que tout le monde ne bénéficie pas des mêmes paramètres dans la vie pour réussir, et encore moins les Noirs du monde entier et ceux du Brésil en particulier.

Là où l’histoire est bien amenée, c’est que derrière les opinions totalement lunaires et exécrables du personnage principal Victoria, l’auteur en profite pour amener la réflexion sur des sujets de fonds tels que le colorisme au Brésil, le matérialisme, le culte de l’apparence physique comme signe extérieur de réussite, le plafond de verre pour les femmes noires, l’ennui dans le quotidien de ceux qui ont tout au sommet de la société, la dépression et les troubles alimentaires qui l’accompagnent, l’ascension sociale par le sexe, le blanchiment de la peau ou le mariage…

J’ai noté le petit clin d’oeil sur les noms de ses vernis à ongles en accord avec son humeur du jour. Elle arbore tour à tour « And God created Woman », « I believe in miracles » ou « We Women at War » (je vous laisse traduire) en précisant « Or quelle femme porte le même vernis une semaine entière? » – Je vous dis qu’elle est insupportable!

Une chose assez perturbante: les gens dont Victoria parle n’ont jamais de prénoms, exception faite de son dernier partenaire. Le mépris de classe et la condescendance à leur apogée. On ne sait pas comment s’appelle son père Filsdepute, son chauffeur Dents-de-lapin ou son premier mari Premier-Mari.

Victoria est pleine de contradictions en commençant par le fait qu’elle se bat contre elle-même, contre son identité liée à celle de son père qu’elle ne connait pas. Elle déteste cette partie noire d’elle-même qu’elle côtoie tous les jours, dans laquelle elle ne se reconnaît pas mais dont elle cherche à se rapprocher. C’est cette quête qui la conduit à assister à des saraus, (des activités artistiques et culturelles au Brésil que j’ai découvertes grâce à ce livre) où l’une des participantes a été particulièrement percutante avec son texte sur la Super-Carioca qui est une femme Super Apprêtée, Super Cultivée, Super Maman, Super Amante, Super Stressée, Super Sportive, Super Fière, Super Noire, Super Schizo. Et de conclure en disant « T’as une putain d’envie de craquer, tu regardes autour de toi et tu te dis: elles ont combien de vie, les Cariocas? Comment elles trouvent le temps? Je vous assure les amis, j’aimerais être un homme… Pour pouvoir dire que tout ce cirque me casse les couilles, sans que vous me cassiez les couilles! »

La fin est tout de même assez déconcertante. Pas exactement celle que j’attendais en tout cas. Je ne vous en dis pas plus.

La revue de Mymou

Victoria de Tatou est énervante. C’est un fait. Personne ne peut lire ce livre et me dire qu’il a adoré cette héroïne. Femme ayant réussi selon les critères de la société parce que riche, elle est pourtant pétrie d’insécurités et de mépris. NON son histoire personnelle n’excuse pas tout. Je me refuse à trouver des excuses à une femme de 40 ans révolus, mère de deux enfants, qui se permet de mépriser tout un peuple, toute une couleur, parce que son père noir l’aurait abandonnée. Pire elle ne l’a même pas connu.

Bref, elle se « reprend » en main guidée par son ego et finit par se découvrir (?). Je n’ai pas aimé cette femme, je n’ai pas aimé ce que j’ai lu et je n’aime pas l’idée qu’il existe bel et bien des personnes traversant ce genre de questionnement. Tatou m’a fait mal.

Je vous laisse avec notre petite sélection de livres de littérature Afro proposés dans le cadre de ce Book Club (voir le coin shopping) et le lien vers les revues des livres précédents.

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Besos!

L.

Lydvina - Rédactrice Lifestyle

Avec plus de 8 ans de blogging dans le compteur, je constate que la petite bourse n'empêche pas le bel art de vivre à la française ! C'est ce que je vous démontre en partageant mon carnet de sorties culturelles, les bonnes adresses restaurants, les expositions à voir ou les livres à dévorer sur les terrasses de café.